Casshern de Kazuaki Kiriya
Décidément, avec Godzilla : Final Wars, c'est la croix et la bannière pour voir des films asiatiques qui sortent un peu des sentiers battus en ce moment... Diffusé dans 5 salles en tout et pour tout sur l'ensemble du territoire (une en VO sur Lyon, mon p'tit Java ^-^ ), Casshern est un film atypique qui méritait bien mieux.
Dans un monde ravagé par une guerre qui dure déjà depuis des décennies, le professeur Azuma pense avoir trouvé le moyen de tromper la mort en créant des cellules indifférenciées. Mais son expérience donne accidentellement naissance à des mutants qui sont aussitôt exterminés par l'armée qui voit en eux une menace. Quelques individus échappent au massacre et décident de sen venger en exterminant l'humanité. Pendant ce temps, le professeur Azuma profite du chaos pour ressusciter son fils Tetsuya grâce à ses expériences...
Casshern est un autre de ces films dont la bande-annonce s'avère au final trompeuse : loin du bruit et de la fureur que l'on imaginait non-stop au vu du trailer, Casshern est avant tout un superbe film poétique et plutôt contemplatif. Les scènes de combat mises en avant par le marketing sont certes explosives (la première rencontre entre le chef des mutants et le héros est complètement démente : du pur manga live !) mais sont le plus souvent expédiées en quelques minutes... Le scénario est intéressant mais un peu trop bavard par moments et recours un peu trop à des deus ex machina pour faire avancer le récit (les éclairs dont on ne sait pas d'où ils sortent, le château avec les robots...) même si des interprétations sont possibles voire même indispensables. Le reste du temps, Casshern jongle donc entre scènes d'action dantesques (la bataille finale est monstrueuse et fait un peu penser au récent Appleseed) et moments poétiques (le dialogue entre Tetsuya et Luna dans la forêt, la fin...)
Mais le vrai gros morceau du film, c'est surtout son esthétique superbement travaillée. Elle peut ne pas plaire mais personne ne peut nier qu'il y a eu un vrai travail derrière. Chaque scène, chaque lieu possède ses tonalités et ses couleurs propres et certains plans font penser à des tableaux tant ils témoignent d'un réel talent de composition de l'image. L'esthétique générale de Casshern lorgne du côté de l'Union Soviétique du début du siècle dernier (décors, bâtiments, véhicules... se rapprochent même du comic-book The Red Star) et de la science-fiction rétro des années 50 (voir le design des robots contrôlés par les mutants) Parfois, il est vrai que le réalisateur se laisse emporter et tend à trop en faire (couleurs qui "débordent"...) mais, visuellement, Casshern est unique. Il dépeint un univers déliquescent qui n'est pas sans rappeler les bandes dessinées d'Enki Bilal et en particulier la Trilogie Nikopol. Bref, Casshern propose un univers visuel extrêmement riche et travaillé.
Bien que plein de petits défauts, Casshern arrive tout de même à émerveiller le spectateur durant 2 h 20. Un excellent film donc dont on perçoit la générosité et la sincérité qui transpirent dans chacune des scènes. Une réussite en laquelle son distributeur n'a malheureusement pas cru un instant. Espérons qu'il se rattrape en DVD...
Ecrit par PetitVer, le Jeudi 3 Novembre 2005, 03:04 dans la rubrique "Cinéma & DVDs".
Réactions
WeepingWillow
03-11-05 à 09:21
C'est amusant que tu fasses cette critique car je l'ai justement vu hier soir, en DivX (maaal, mais bon, quand un film est aussi mal distribué, c'est une juste revanche!) et je reste avec une impression plutôt bonne, même si le scénario, d'autant plus difficile à suivre que les sous-titres sur mon écran étaient microscopiques (maaal!), m'a paru aussi simpliste que tiré par les cheveux... Je ne sais pas s'il est une adaptation ou quoi, mais j'ai eu l'impression d'avoir sous les yeux un manga à l'origine en 15 000 tomes condensés en deux heures et demie, ce qui pouvait expliquer certains raccourcis un peu aberrants: le refuge des mutants dans ce château surgi de nulle part en pleine montagne avec dedans une armée de robots ultra sophistiqués toute prête à servir, par exemple...
En revanche, d'un point de vue esthétique, j'ai adoré. Je suis peut-être une exception, mais je ne me lasse pas de ce style archéo-futuriste, que bien des gens trouvent rebattu pourtant.
Même si d'un point de vue strictement objectif, on peut lui reprocher une tonne de choses (incohérence, caricature, grandiloquence, simplisme du fond, etc.), ce film est à voir colmme une oeuvre baroque: excessive, contrastée, privilégiant la prouesse formelle à la profondeur du propos, et, comme le baroque en général, paralyse un peu la critique. Finalement, même si j'ai horreur d'employer cette alternative d'habitude, on aime ou on n'aime pas.
Et j'ai plutôt aimé.
(Et en cadeau avant de partir, la reflexion geek de la soirée: "'Tain, ce plan, ça ferait un super fond d'écran!" faite à peu près 84 000 fois durant le film!)
Java
03-11-05 à 10:37
distribué dans 4 salles à Paris, durant une semaine...
Qui a pu avoir la chance de le voir au ciné...pile pendant le week end prolongé...pas moi...j'aurai pas du te tacquiner, ça m'a porté malheur...
J'suis au moins content que quelqu'un ait pu le voir...
Mais à quoi ça sert de sortir un film en salle pour si peu le distribuer.
J'avais même vu un reportage à la télé dessus, sur France 3 je crois...avec un peu plus de pub sur ce film les salles auraient été pleines!
PetitVer
03-11-05 à 13:44
WeepingWillow, c'est clair que le scénario est perfectible mais ce n'est pas le véritable intérêt de ce film. En tout cas, tu as deviné juste : il s'agit apparement de l'adaptation libre d'un dessin animé des années 70...
(Attention spoiler, pour ceux qui n'ont pas vu le film ;) )
En ce qui concerne les deus ex machina comme les éclairs et le château avec les robots, j'ai l'impression, après y avoir bien réfléchi que c'est voulu. En effet, on peut y voir littéralement une intervention divine (apparition du château dans un rayon de lumière) D'ailleurs, ça rejoint aussi la fin quand Tetsuya et Luna sont les seuls survivants (?) du massacre final et se transforment en rayon de lumière qui traverse l'espace pour échouer sur une autre planète qui ressemble étrangement à la notre. Pour moi, il y a un petit côté biblique pas fortuit du tout derrière tout ça (Adam et Eve), d'autant qu'il est fait référence de nombreuses fois dans le film à un humain originel... en tout cas, me théorie expliquerait les interventions divines... Et je veux bien ton avis la-dessus ;)
(Fin du spoiler)
Java, c'est dommage que tu ne l'aies pas vu... En ce qui concerne le nombre de copies, c'est parce qu'il s'agit d'une sortie dite "technique" qui ne sert, il me semble, qu'à préparer le terrain (critiques dans la presse, affiches...) pour une sortie DVD.
Re:
Java
03-11-05 à 13:55
ah j'avais pas pensé qu'il avaient ce genre de stratégie, petite sortie en salle pour dvd...j'en apprends des choses avec toa
Re:
WeepingWillow
03-11-05 à 13:58
Et donc, il faudrait voir le retour des mutants (non, ce n'est pas un titre!) avec leur armée, rendu possible par l'apparition du château, comme une intervention divine dans le genre châtiment pour l'humanité? J'en sais rien. je ne suis pas assez pétrie de culture et de philosophie japonaise pour savoir ce que l'auteur a voulu mettre là...
Mais je n'ai pas vraiment compris les critiques incendiaires de la presse, d'ailleurs. Après tout, l'univers de Bilal a lui aussi ses obscurités et ses incohérences non-expliquées, et personne n'y trouve à redire!
PetitVer
03-11-05 à 14:47
Mais moi non plus je ne suis pas super calé en culture et philosophie japonaise ;) Simplement, les "interventions divines" m'ont parues assez cohérentes avec la fin. donc voilà ^-^