Le Repaire du Petit Ver

Mysterious Skin de Gregg Araki

Habitué du cinéma trash (The Doom Generation, Nowhere...) Gregg Araki fait partie de ces réalisateurs américains indépendants qui bouscule volontiers le monde rigide et bien pensant hollywoodien. Avec son avant-dernier film, Splendor, il a versé dans la comédie sentimentale tout en sachant rester hors-normes. En ce qui concerne Mysterious Skin (qu'on m'a conseillé plus d'une fois - un petit coucou à Praseodyme en passant), son dernier en date, il traite d'un sujet particulièrement difficile : la pédophilie.

A huit ans, Brian est retrouvé le nez en sang dans sa cave et il n'a aucun souvenir de ce qui a pu se passer les trois dernières heures. En grandissant, il se persuade que pendant ses trous noirs, il a été enlevé par des extra-terrestres... Neil, même âge, se lie très vite à son entraîneur de base-ball mais celui-ci ne compte pas s'en tenir au sport... Plus tard, Neil a pris l'habitude de se vendre pour se faire de l'argent de poche.

Comme je le disais, le sujet est difficile d'autant qu'Araki prend le parti de le traiter de manière exhaustive et sans porter de jugement. Mais le plus dérangeant peut-être, c'est encore le personnage de Neil qui, même du haut de ses huits ans, est consentant et y prend même du plaisir car au-delà de la pédophilie, le film traite aussi de la perte de l'innocence. Chez Neil, c'est quelque chose qui a eu lieu avant sa rencontre avec le pédophile (sa mère nymphomane s'envoie tout ce qui bouge) tandis que chez Brian, c'est cette rencontre qui a tout déclenché et qui va le bloquer pendant toute son adolescence. Le premier va en effet être incapable d'aimer après ça : un personnage dit d'ailleurs qu'il "a un trou noir a la place du coeur" tandis que le second préfère refouler son identité sexuelle et oublier ce qu'il a vécu même si l'expérience lui revient par ses rêves.

Mysterious Skin n'est en aucun cas un plaidoyer pour la pédophilie (heureusement) mais tente plutôt de donner des pistes pour essayer de comprendre ce qui peut se passer dans leur tête. Notamment par les amants de Neil quand celui-ci a 17-18 ans qui, au-delà des clichés gays habituels (le bellâtre musculeux qui aime se faire enculer, la quadragénaire gras, transpirant et rougeaud, le beauf violent...), semblent tous être attirés par sa jeunesse et son côté androgyne. Le moment le plus significatif est peut-être la rencontre de Neil avec un vieil homme atteint du sida qui lui demande juste de le toucher. A cet instant, Neil semble se reconnaître dans ce vieillard malade...

Bref, Mysterious Skin est loin d'être un film pour tous mais traite impeccablement bien son sujet et Araki a la bonne idée de limiter les débordements bien trashs auxquels il nous avait habitués. Ça permet non seulement d'apporter de la crédibilité au sujet mais aussi une certaine justesse...

Ecrit par PetitVer, le Vendredi 22 Avril 2005, 19:36 dans la rubrique "Cinéma & DVDs".