Le Repaire du Petit Ver

Lord of War de Andrew Niccol

Premier film de l'année 2006 et première baffe. Déjà auteur de deux excellents films, Andrew Niccol a eu beaucoup de mal à monter ce Lord of War pour cause de sujet polémique. Il traite en effet sans se voiler la face d'un des commerces qui dégage le plus d'argent au monde : le commerce illégal d'armes...

Yuri Orlov, fils d'immigrés russes aux Etats-Unis, a découvert sa voie sur le tard : plutôt que de reprendre le restaurant familial, il a décidé de se faire marchand d'armes à feu. Mais la vente légale fait trop peu de bénéfices et Yuri décide vite de passer à la vitesse supérieure : le trafic d'armes à échelle mondiale. Son ingéniosité et son astuce lui permettent de gagner sa place sur le marché mais également de conquérir l'élue de son coeur mais plus dure sera la chute...

Après avoir déjà réalisé quelques films aussi intelligents que maîtrisés (les fantastiques Bienvenue à Gattaca et Simone), Andrew Niccol continue à sonder l'âme humaine mais ajoute de surcroît un aspect politique qui n'apparaissait pas dans ses précédentes réalisations. Lord of War est en effet subversif à souhait et tire à bout portant (si on peut dire ^-^ ) sur un sujet passé relativement sous silence jusqu'à présent. La vision sans concessions de Niccol fait souvent froid dans le dos mais ne paraît jamais exagérée (d'après lui, elle serait même en-deça de la réalité : cf. Mad Movies de décembre) Là où beaucoup auraient décrédibilisé et atténué la portée de leur sujet par une réalisation clipesque tape-à-l'oeil, Niccol a l'intelligence de rester parfaitement sobre à ce niveau. Il ne se permet qu'un ou deux rares effets de styles mais toujours à propos (la première séquence est à ce titre fabuleuse d'efficacité et de cohérence avec le sujet du film) Lord of War reste donc dans la lignée des précédents films de Niccol : classique dans sa réalisation (qui n'en est pas moins impeccablement maîtrisée : on pense à la figure du général que l'on ne voit jamais et qui personnifie le gouvernement) mais percutant par son sujet.

Lord of War doit également beaucoup à ses comédiens. Nicolas Cage incarne avec classe un trafiquant d'armes cynique à souhait jonglant plus ou moins habilement avec ses diverses identitées (sa femme ne connaît pas ce qu'il fait pour gagner sa vie) Le personnage a tellement tout compris au monde qui l'entoure qu'il ne s'inquiète jamais vraiment de ce qui pourrait lui arriver à lui... En ce qui concerne ses livraisons, par contre, c'est une toute autre histoire. Le toujours excellent (mais apparemment abonné aux rôles de camés) Jared Leto incarne pour sa part son petit frère déluré et Ethan Hawk se montre très convainquant en agent d'Interpol trop intègre mais il n'apparaît pas dans suffisamment de scènes pour que son personnage retienne véritablement l'attention... On peut rapprocher par plusieurs aspects Lord of War de Scarface mais ces deux films diffèrent grandement au niveau de la fin. Alors que dans le film de DePalma, le personnage principal vit une descente aux enfers au terme de laquelle il finira par mourir, dans le film de Niccol, subit plusieurs revers sévères mais ne meurt pas car son existence est indispensable à ce monde... La fin de Lord of War laisse un goût amer dans la bouche (superbe plan final au passage) et montre qu'il y a clairement quelque chose de pourri en ce bas monde... En ce sens, elle est sûrement plus noire encore que celle de Scarface.

Pour son troisième film en tant que réalisateur, Andrew Niccol signe à nouveau un coup de maître (oui, j'ai adoré Bienvenue à Gattaca et Simone ^-^ ) et confirme tous les espoirs qui ont été placés en lui. Difficile de passer outre Lord of War en ce début d'année et il est probable qu'on tient déjà là un des films de 2006. En tout cas, vivement le prochain ^-^

Ecrit par PetitVer, le Dimanche 8 Janvier 2006, 23:39 dans la rubrique "Cinéma & DVDs".