Jarhead : la fin de l'innocence (Jarhead) de Sam Mendes
Depuis les films sur la guerre du Vietnam, le cinéma américain aime à porter un regard sur le passé de son pays à travers les verres légèrement déformants de la fiction. Jarhead porte donc sur la première Guerre du Golfe contre l'Irak et plus particulièrement sur le quotidien des troupes qui y ont été envoyées...
Anthony Swofford vient d'entrer dans le corps des marines quand éclate la Guerre du Golfe. Envoyé avec son bataillon en Irak et devant une guerre qui n'en finit plus de commencer, les jeunes gens vont chercher à tuer le temps autant qu'ils peuvent en attendant un déploiement éventuel...
Construit grosso modo en trois actes un peu à la Full Metal Jacket (qui reste pour beaucoup la référence du film de guerre), Jarhead raconte comment les jeunes américains envoyés sur le front de la Guerre du Golfe ont vécu cette guerre "propre". durant les deux premiers actes, le ton est, hormis quelques séquences bien particulières (le mort à l'entrainement, le visionnage de la cassette de Voyage au bout de l'enfer...) plutôt léger et rappelle par moments l'excellent Les Rois du désert dans l'absurde de certaines situations... Le troisième acte par contre se veut plus dur même si l'humour n'est pas totalement occulté (la mission de sniping) Les marines découvrent effectivement les atrocités de la guerre mais n'y participent pas : convoi de véhicules civils détruit, puits de pétroles en flammes... Ces séquences seront également les plus marquantes du film de part leur poésie décalée et macabre : la scène du cheval couvert de pétrole et celles des les puits incendiés réservant de superbes images.
Mais encore une fois, après American Beauty, Sam Mendes stigmatise les questions que se pose une génération entière d'américains. En l'occurence, les jeunes gens du film sont formés à être de véritables machines de guerre mais n'exercent jamais vraiment cette fonction. Ils savent démonter et remonter un fusil, ils savent tirer, ils savent effectuer toutes sortes d'exercices mais il s'agit d'un savoir que l'on ne leur permettra pas d'utiliser. D'où la frustration de certains personnages, frustration de ne pas être utiles, de ne pas avoir de véritable identité (l'un d'entre eux se plaint par exemple qu'ils n'aient pas "leur propre musique" tandis qu'un air des années 60 retentit) Le personnage principal dit d'ailleurs très justement à la fin du film que les mains qui ont utilisé un fusil s'en souviendront toujours : leur innocence leur a été ôtée à jamais (d'où le sous-titre français au cas où les spectateurs, décidément trop stupides, n'aient pas deviné...) pour rien si ce n'est un peu de pétrole. Le message de Jarhead n'est certes pas nouveau mais la démonstration est admirable et soutenue par des comédiens de talent : Jake Gyllenhaal, une des valeurs montantes de Hollywood, et Jamie Foxx sont juste impeccables...
Après Lord of War, l'année cinéma 2006 continue très très fort avec ce Jarhead qui rejoint le sommet des films de guerre. Sam Mendes continue de porter un regard différent sur l'Amérique contemporaine et confime tout le bien que l'on pensait de lui...
Ecrit par PetitVer, le Jeudi 19 Janvier 2006, 02:43 dans la rubrique "Cinéma & DVDs".