Munich de Steven Spielberg
En ce qui me concerne, Spielberg a toujours soufflé le chaud et le froid : sa remarquable maîtrise technique et formelle a trop souvent été contrebalancée par un optimisme (La Guerre des mondes) et une mièvrerie (A.I.) qui ne collaient pas à ses sujets... Et Munich est sans doute le premier film du réalisateur à trouver un véritable équilibre entre la forme et le fond.
Au lendemain de l'assassinat de onze athlètes israëliens par le commando terrorsiste palestinien "septembre noir", un agent du Mossad se voit confier une mission hors normes. Il accepte d'abandonner tous ses droits, de ne plus exister pour devenir le bras vengeur d'Israël et retrouver et assassiner les commanditaires de la prise d'otages...
Depuis quelques temps, Spielberg enchaîne les projets les plus excitants sans interruption. Après La Guerre des mondes, plus spectacle grand public que projet réellement personnel, il revient avec un film de commande qu'il s'est totalement réapproprié. Munich porte d'un bout à l'autre la patte Spielberg. La reconstitution historique est phénoménale et restranscrit à merveille la période des années 70. La fidélité a même été poussée jusqu'à obtenir un grain et des couleurs quasi-identiques à l'image. Quant au son, je ne sais pas s'il s'agissait des enceintes de la salle mais on entendait un léger écho metallique... C'est un véritable bond en arrière de trente ans que nous fait vivre Munich. Les acteurs sont pour leur part excellents. Eric Bana est incroyable en chef d'équipe peu à peu dépassé par les évènements et rongé par la culpabilité. A la fin, il est évident que son personnage, vivant ou mort, ne s'en sortira pas indemne... Daniel Craig pour sa part est tout aussi impressionnant que dans Layer Cake et s'annonce comme un futur 007 d'exception dans le James Bond à venir. Pour finir, Matthieu Kassovitz est aussi bon mais son rôle ne se démarque pas tellement de ceux qu'il a tenus jusqu'alors...
Munich est sans aucun doute le film le plus violent de Spielberg depuis Les dents de la mer : quand une bombe mal réglée explose plus fort que prévu, la pièce où a eu lieu la détonnation est jonchée de bouts de corps tous sanguinolents. Des images auxquelles Spielberg ne nous avait pas habitués, à l'image de cet assassinat de sang froid d'une tueuse professionnelle à la fois violent et très cru, proche d'un réalisme très destabilisant... Avec Munich, pour une fois, le réalisateur refuse de se cacher derrière une vision déformée et embellie de la réalité. A ce titre, le plan final sur fond d'un New York où se dressent encore les tours jumelles du World Trade Center établit un parallèle évident avec notre époque, signe que rien n'a véritablement changé, que le vieil adage "oeil pour oeil, dent pour dent" est toujours autant d'actualité et que le spectre du terrorisme est plus que jamais présent... Munich, comme l'annonce le titre au début de la séance est un film intemporel et sans frontières. Pour une fois que Spielberg se laisse aller à une fin moins consensuelle que d'ordinaire, le film en ressort nettement grandi...
Munich est enfin le film que l'on pouvait attendre de Spielberg, sans doute son meilleur depuis très longtemps. Envolés le manichéisme, la mièvrerie et l'optimiste mal placés de ses précédentes réalisations. Pour une fois, Spielberg signe un film sans concessions et ça paie...
Ecrit par PetitVer, le Lundi 30 Janvier 2006, 21:53 dans la rubrique "Cinéma & DVDs".